Aujourd'hui, Charlotte, 32 ans, nous raconte la suite de son histoire avec ses mots son vécu face à son cancer du sein. Entre un parcours complexe, des sentiments ambivalents et une inébranlable envie de vivre, elle nous plonge dans son monde qui n'a pas été "tout rose" ces derniers temps.
"Planète parentalité", 27 juin 2024
Dans l'univers où l'Amour éclaire,
Planète Parentalité est un lieu de mystère.
Je suis une mère, guerrière au cœur battant,
J’ai affronté le mal, bravement, assidûment.
Mes enfants, étoiles dans ma nuit,
Cherchent dans mes yeux l'éclat, l'appui.
Planète Parentalité, terre de défis,
Où l'Amour transcende, nourrit, réunie.
La lutte est rude, le chemin ardu,
Mais l'Amour parental n'a jamais disparu.
Il guérit mon cœur, apaise mes peurs,
Et sous la douleur, il sème des fleurs.
Ai-je les épaules pour soutenir cet empire ?
Ce royaume fragile bâti sur des rêves,
Où chaque jour se dresse comme un défi,
Où l'Amour se mêle à la douleur en trêve.
J'aimerais pouvoir être un roc, un pilier,
Pour toi, petit être, qui dépend de moi,
Te protéger des ombres qui s'étendent,
Et te montrer que la vie est faite de joie.
Sur cette planète de rires et de larmes,
Ma force de parent est une arme.
Contre le cancer, je me bats sans cesse,
Pour vous offrir, mes douces, tendresse et promesse.
Mais comme tous il m’arrive de faillir,
Sous le poids de la fatigue et de l’irritabilité
Je reconnais souvent que je pers pied,
Face à votre énergie débordante, éprouvante
Face à vos inquiétudes, sans aucun doute,
Malgré nos précautions, nos histoires embellies, nos métaphores poétiques
Vous non plus n’avez pas été épargnées.
Je saute alors à pied joins dans une flaque de culpabilité
Attendant à la hâte que votre sommeil m’apaise
Et espérant au petit matin, renouer avec la sérénité
Dès que je vous ai retrouvées.
Ambivalence même d’une mère qui plus est affaiblie…
Jalouse du ciel, je regarde les étoiles,
Elles brillent avec une constance que j'envie,
Moi, fluctuante comme les vagues sous le vent,
Cherchant la force dans cet océan de vie.
La crainte que cette épée me crève le cœur,
M’effraie, la peur d'abandonner mon rôle,
Dans cette bataille contre le mal rongeur,
Je dois tenir, pour vous, envers et contre tout.
Ma poitrine, un champ de bataille, un combat,
Où l'ennemi invisible peut encore s’installer,
Mais dans chaque regard, chaque sourire de vous,
Je trouve le courage, je rallume la flamme.
Ai-je les épaules pour soutenir cet empire ?
Je ne sais pas, mais pour vous, je me fais guerrière,
Chaque jour, chaque instant, je garde l'espoir,
Qu'ensemble, nous vaincrons cette épreuve amère.
Dans le miroir, je vois une femme en lutte,
Non pas faible, mais forte de tant d'Amour,
J'aimerais pouvoir, pour vous, être invincible,
Et vous montrer que même dans la tourmente, on réside.
Je suis l'étoile dans votre ciel, mes filles,
Ma lumière brille, pour vous, douce et réconfortante.
Comme une boussole, je vous promets de toujours être aimante
Planète Parentalité, forteresse d'espoir,
Notre amour vaincra, écrit dans l'histoire.
"Les enfants ont une capacité incroyable à s’adapter"
Pour leur annoncer
Pour ce qui est de mes filles, à l’annonce, notre ainée avait 3 ans et demi et notre dernière 2 ans.
Nous n’avons jamais employé le mot « cancer ».
Nous savons qu’il est important de verbaliser mais nous n’avons pas jugé nécessaire de les inquiétez et nous avons voulu nous adapter à leurs âges et leur épargner la cruauté d’une vie d’adulte. Nous leur avons donc très rapidement parlé du « tété de maman qui est malade ».
Ce qui nous a motivé à le faire c’est l’opération. J’ai été opérée d’une mastectomie bilatérale avec reconstruction immédiate et nos filles ont du partir chez les grands-parents, pour la première fois sans nous, 10 jours, pour me permettre une convalescence plus sereine.
Pour les y préparer
Nous leur avons expliqué, que ce n’était pas les vacances, mais qu’on avait besoin qu’elles aillent s’amuser chez papi et mamie parce que « le tété malade de maman va être changé pour un mieux ».
Pour information : une telle opération, bien qu’elle se fasse sur une hospitalisation de courte durée, je n’y suis restée qu’une nuit, oblige une certaine vigilance au retour au domicile.
Deux drains sortent de mes seins, permettant de surveiller et limiter le risque hémorragique.
Voir deux poches de sang qui sortent de maman, avec le risque de tirer sur les fils, on s’est dit que pour deux fillettes de moins de 4 ans, c’était peut-être trop lourd à porter. Et en parlant de poids, la deuxième consigne chirurgicale était claire : pas de poids de charge pendant 1 mois. Donc impossible de dire à un bébé de 2 ans, que sa maman ne peut s’occuper d’elle. Alors on a attendu 10 jours, que j’aille mieux. Visiblement, elles se sont régalées chez papi mamie, même si 10 jours, c’était long, mais pour une première elles nous ont prouvé, que les enfants ont une capacité incroyable à s’adapter.
"On m’envoie des rayons du soleil"
Nous avons tenu, mon mari et moi, à ce que notre discours soit toujours positif et « poétique » en un sens. On a été aidé par le rythme des saisons.
AOUT : Diagnostiquée
OCTOBRE : Chimio débutés
Me voilà parée pour l’automne.
Nous leur avons donc dit :
« les médicaments que je prends vont me faire perdre tous mes cheveux, comme les feuilles en automne, ils repousseront au printemps ».
Un peu d'aide
Notre grande m’a dit sans filtre, « maman tu seras moche sans tes cheveux ».
Dur dur de se prendre ce commentaire en pleine figure quand on est soit même conscient de l’étape que cela va être. Nous avons opté ensemble pour le choix de mon foulard, enfin en théorie, parce que lorsqu’elle m’a dit qu’il fallait acheter un chapeau de paille et un foulard à paillettes, je me suis ravisée…
Puis nous avons acheté le livre « ma maman est une pirate » de Karine Surugue & Rémi
Saillard, nous l’avons lu qu’une fois à notre ainée. Enfin, je l’ai lu, parce que mon mari, lui n’a jamais réussi à le faire…
Ensuite, j’ai été accompagnée par l’association Jeune et Rose qui a entre autres, pour mission de soutenir les femmes de moins de 40 ans dans la traversée de la maladie. Nos problématiques de jeunes femmes sont différentes, notamment sur l’épineuse question de la parentalité pendant le cancer.
J’ai donc reçu le livre « Potion d’amour, quand la magie s’invite dans la maladie » d’Elodie Ribette-Mahé & Audrey Maymaud. Lui aussi, n’a eu droit qu’à une seule lecture, parce que pour le moment, nous n’en avons pas besoin de plus…
Pourtant il y a des temps où avec mon mari nous réalisons que malgré nos efforts, nos filles ont été éclaboussées par cette tempête, et que les enfants ne peuvent pas être épargnés de tout.
Les filles
A la fin de mes chimios, je suis plus à l’aise avec mon corps, la question de la nudité devant mes filles n’est pas un tabou. Un soir où je m’habille devant elles, la plus jeune âgée alors de 2 ans et demi, m’observe et en voyant mes cicatrices et la rougeur (légère liée à la radiothérapie) me demande « maman tu as encore bobo ? » (en me touchant le sein et tirant sur le tee-shirt que je viens d’enfiler).
Ma grande, quant à elle, ne comprend pas bien en cette fin d’année scolaire pourquoi je ne la garde pas les mercredis comme ses copines de petite section. J’ai l’air en forme, pourtant… Je lui explique alors que je vais à l’hôpital tous les jours et qu’on « m’envoie des rayons du soleil pour continuer à soigner mon sein ». Ce qui justifie à la fois les rougeurs, par chance, modérées, ma fatigue et qu’elle soit gardée les mercredis.
Sur ma parentalité durant la maladie, je rajouterai enfin, qu’elle est venue amplifiée la complexité de ce qu’est être parent.
Ils nous été difficile juste après le diagnostic de tenir nos principes éducatifs car tout nous semblait dérisoire
Manger un bonbon avant de passer à table ? Pourquoi l’en priver, on ne va pas s’énerver pour si peu, et elles doivent vivre bordel…oui, mais…
Ensuite, nous avons bien compris qu’il leur fallait tout de même le cadre sécurisant qu’elles méritaient pour « bien grandir » et nous, nous avions besoin de ne pas être dépassés.
Aah, être dépassé, quel parent ne l’est pas ? Maladie, ou pas…
Et pourtant, depuis le début des traitements, j’oscille entre moment d’énergie folle, où je suis prête à toutes excentricités pour profiter à fond de mes filles, et moment de profond sentiment d’impuissance, de culpabilité.
Comme un état « normal » de parent, accru par les traitements, notamment depuis l’hormonothérapie, qui a cette vilaine manie de me faire monter dans des montagnes russes émotionnelles :
Un bon jour
Un jour de doute
Un jour de déprime - aléatoire, inattendu, auxquels se confrontent les difficultés pour des enfants de 4 ans et demi et 3 ans désormais, à se réguler eux-mêmes, d’émotions incomprises et parfois ingérables.
"Je ne me suis [...] jamais sentie seule."
Pour poursuivre sur des notes plus enthousiasmantes ; dans cette année de ma vie, je ne me suis étonnement jamais sentie seule.
Il y a eu d’abord le soutien indéfectible de ma famille, mes amies mais aussi, et surtout, de celles qui sont déjà passées par là, par le biais de Jeune et Rose.
Puis, parmi les professionnels de santé qui m’ont accompagné, je garde en tête ma rencontre avec ma kiné (parce qu’une double mastectomie c’est deux séances de kiné par semaine pendant environ 4 mois) qui appartient au Réseau Kiné du Sein (RKS). Elle m’a écoutée, conseillée, soutenue, et orientée vers l’asso Solution Riposte qui propose dans le cadre de « sport santé » des cours d’escrime pour les femmes opérées.
Les oncologues sont clairs, l’activité physique adaptée (APA), réduit le risque de récidive.
Alors je me saisis de l’information et accepte d’intégrer le programme d’APA proposé par le centre où je suis suivie : une séance d’1h / semaine durant toute la période des traitements dits « lourds » (chimio, rayons).
https://www.solutionriposte.fr/
Je pratique l’escrime depuis décembre 2023, donc même pendant les traitements, sans manquer une séance, une fois par semaine. Une fois le programme terminé je me suis inscrite dans une salle de fitness et y vais deux fois par semaine.
A côté de cela, j’ai repris la course à pied, que je pratiquais déjà, au début de mes séances de radiothérapie. Mais attention, pas n’importe comment.
Rendez-vous chez le cardiologue et bilan sanguin tous les trois mois.
Les traitements imposent un suivi cardiologique, renforcé dans mon cas car il y a eu un doute sur une éventuelle toxicité cardiaque
Je suis autorisée à poursuivre…et même encouragée à le faire. Pas de doute, le sport a des bienfaits sur la santé physique et morale, sans aucun doute.
Parallèlement, j’ai participé dès novembre (donc début de mes traitements) aux ateliers « Tétécritures » proposés par Jeune et Rose. Le concept : une visio de 2h par mois le samedi animée par une biographe et accompagnée de sept autres femmes, à des temps différents de la maladie.
Je commence alors à écrire des poèmes, que je publie pour certains sur ma page instagram. Les retours que j’en ai sont positifs, encourageants et très valorisants, ce qui est indispensable pour moi, dans cette période de trouble et de quête identitaire.
Je tiens également un « journal de bord » dans lequel je note, anecdotes et états d’âme, de manière plus brute, plus intime : ceux-là, je ne les partage pas, je les garde précieusement, pour les années à venir, pour ne jamais oublier !
"Cette destination…C’est la Vie."
Treize mois ont passé depuis le diagnostic, au moment où Aurélie prend mon témoignage.
Bientôt, je vais participer à une semaine thérapeutique organisée par l’Asso « A chacun son Everest », à Chamonix. L’objectif de cette parenthèse est de nous aider à affronter la phase délicate de l’après-cancer et que l’on puisse retrouver confiance, joie de vivre et un nouvel élan de vie. Je ne sais pas ce qui m’attend, mais les témoignages assurent qu’il y a un avant et un après séjour…
J’ai hâte et en même temps il y a de l’appréhension à cette immersion et ce pas de côté, sur cette année écoulée.
Enfin, dans ce tumulte je reconnais que j’ai su tirer du positif, aussi étonnant que cela puisse paraitre. Notamment le fait d’oser aller au bout de projets.
Je rêve depuis des années de participer au Raid Amazones, un raid itinérant, multi sport 100% féminin, qui allie épreuves sportives le matin et actions concrètent de soutien à des asso locales dans les pays hôtes. Cette année, pour ne pas passer à côté d’une aventure de vie, je m’y suis inscrite. Je prendrais le départ avec une amie qui sera mon binôme, en novembre 2025, dans une destination encore inconnue.
Mais moi, je la connais déjà,…cette destination…C’est la Vie.
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