Cette semaine, Au Pays des Merveilles a voulu se plonger dans les yeux de Charlène et Charlotte, infirmières Puéricultrices en service de Néonatalogie.
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le service de Néonatologie ?
Charlène : "Beaucoup de choses ! M'occuper d'enfants fragiles et voir leur évolution et leurs progrès au fur et à mesure de l'hospitalisation et permettre aux parents de créer des liens avec leur nouveau-né.
J'aime participer à la mise en place de l'allaitement, voir les parents heureux des progrès que font leur enfant. J'ai une satisfaction personnelle quand je pars du boulot et que l'enfant dont je m'occupe va mieux que quand je suis arrivée.
Plus l'enfant est petit et plus je me sens utile dans son évolution et le parcours qu'il y aura pour que les parents trouvent leur place."
Charlotte : "Ce qui me plaît dans la néonatalogie c’est le relationnel avec les familles, les accompagner dans cette étape qui peut être difficile. J’aime aussi voir l’évolution des nouveaux nés qui ont des compétences bien plus que l’on imagine: ils sont surprenants ! J’aime aussi la technicité des gestes meme si ce n’est pas ce que je préfère, mais c’est toujours gratifiant pour une infirmière de réaliser des actes de pointes. L’environnement de travail aussi me plaît en Néonat' car il est souvent paisible."
A quoi ressemble une journée de travail "typique" en Néonatalogie ?
Charlène : "En résumé, nous écoutons les transmissions de l'équipe précédente, nous faisons le premier tour de sécurité avec les vérifications dans les chambres et un premier tour de constantes. Nous organisons nos soins de la journée en fonction des heures de tétées et des examens prévus.
Si je suis de matin, au premier tour nous faisons une petite toilette ou une toilette complète au bébé (si le terme le permet et si le bain n'a pas été prévu avec les parents). Nous le pesons et l'alimentons en respectant le projet d'alimentation de la maman (sonde gastrique, seringue, paille, biberon). S'il y a des bilans sanguins ou d'autres examens (fond d'oeil, échographie, radio...) prescrits nous les faisons ou y participons en respectant au maximum le rythme de l'enfant et en prévenant la douleur. Les autres tours de la journée sont en fonction du nombre de tétées par jour (toutes les 3 à 4h) et souvent ce n'est qu'un change et l'alimentation.
Quand je suis d'après-midi, les soins sont les mêmes sauf les changements de perfusion qui sont en général en fin de journée et les parents sont plus souvent là pour faire les soins et les peau-à-peau. Et le soir nous transmettons à l'équipe de nuit les nouvelles de la journée.
Racontez-nous une situation qui vous a bouleversé.
Charlène : "Très dure comme question... Souvent le plus dur c'est l'accompagnement des parents après un décès très soudain et inattendu. Dans tous les cas les décès dans notre service c'est jamais simple, c'est pas dans la logique des choses.
La seule fois où j'ai vraiment pleuré au boulot c'était une petite à terme dont je m'occupais depuis la naissance. Elle avait été mise en hypothermie dès la naissance pour une grosse hypoxie (manque d'oxygène) mais l'atteinte neurologique était trop importante donc nous avons du arrêter les soins. C'était mon premier bébé que j'avais en charge qui décédait... Je suis restée avec les parents jusqu'au bout, c'était difficile mais le plus bouleversant ça a été quand le papa m'a remerciée pour tout ce que j'avais fait pour sa fille alors qu'elle venait juste de partir.. J'avais l'impression d'être une imposteur."
Charlotte : "Je dirais plusieurs situations : 1/ Des jumeaux garçons, premiers enfants d’un couple en difficulté sociale qui se sont violemment disputés en chambre mère enfant. La mère a été violente physiquement, le père a eu son tee-shirt déchiré et a été griffé et mordu ; je les ai séparés et j’ai appelé ma collègue en renfort (car évidement c'était un dimanche et donc j'étais seule dans le service). Nous avons isolé les enfants et ça été compliqué de gérer la violence physique dans un lieu habituellement si paisible et calme (en apparence car certaines situations demandent de la réactivité : urgences par exemple).
2/ Voir évoluer positivement des prématurés (qui ont un petit poids ou un problème respiratoire important Etc...), souvent de longues hospitalisations qui provoquent en nous un certain attachement et donc une énorme satisfaction à leur départ !"
Quelle est la ou les plus grandes difficultés dans le métier de Puéricultrice dans ce genre de service ?
Charlotte : " D’être face à des situations psychologiquement difficiles ; soit pour les parents soit lorsque l'on est confronté à de la souffrance, à des pleurs, des inquiétudes. Heureusement c'est compensé par de la réassurance et des évolutions positives.
Il peut aussi s’agir de difficultés psychologiques pour nous soignants : un bébé qui se dégrade, une impasse médicale, se sentir impuissante des échecs thérapeutiques comme par exemple échouer pour la pose d’un cathéter à plusieurs reprises car on sait que l’état de santé de l’enfant en dépend."
Si tu pouvais changer quelque chose à ton métier ? Au service ?
Charlène : "J'aimerais que l'on accorde plus d'importance à notre rôle, nos observations et notre opinion. Nous vivons au quotidien avec ces enfants et souvent nous connaissons parfaitement leurs habitudes, ce qu'ils aiment ou pas, leur comportement etc... et nous devrions être entendues et écoutées quand nous affirmons qu'il y a un changement.
Et dans le service bien sûr, je voudrais que l'on travaille en 12h et j'aimerai que l'on accueille des extrêmes prématurés."
Quel est le public accueilli dans le service de Néonatalogie ?
Charlène : "Ce n'est pas vraiment protocolisé mais nous accueillons des enfants à peu près de 26 semaines d'aménorrhées jusqu'à terme. Les seuls critères pour qu'ils soient chez nous plutôt qu'en réanimation néonatale c'est qu'ils ne soient pas intubés ni trop instable au niveau hémodynamique.
Donc nous pouvons avoir un enfant de 600g sous respirateur et perfusés comme un enfant a terme en berceau.
Les "critères" pour intégrer le service de Néonatalogie sont : une prématurité et/ou une détresse respiratoire et/ou une pathologie nécessitant une hospitalisation plus ou moins longue dans le 1er mois de vie.
Comment les parents sont-ils accompagnés en Néonatalogie ?
Charlène : "Dès la première rencontre nous leur proposons de les toucher, leur parler et de faire un premier peau-a-peau pour créer un lien. Ensuite au fur et à mesure nous leur proposons de réaliser les soins d'hygiène et de confort (le change, la toilette, l'installation...). Nous les attendons pour toutes les premières fois (passage sur table ou en berceau, premier body ou pyjama, première douchette ou bain, première tétée a la seringue ou au biberon etc...). Nous les valorisons au quotidien dans leur rôle de parent et favorisons la communication avec leur enfant. Nous leur montrons les compétences de leur enfant, leur permettons de prendre en photo leur enfant et d'investir le lit et la chambre comme si c'était la sienne à la maison. Nous les autonomise très rapidement pour faire les soins seuls et même a 4 mains avec papa et maman."
Comment se déroule le peau à peau pour les prématurés ?
Charlotte : « Le peau à peau est non systématique mais proposé aux parents ; à eux de voir s’ils acceptent ou pas. C’est principalement proposé aux enfants dont la maman souhaite allaiter. Dans mon service nous étions assez réfractaires pour les installer en peau à peau selon les conditions (couveuse, perfusions, sonde nasogastrique…). Les professionnels ayant eu le diplôme plus récemment sont moins stricts quant à ces conditions pour les installer contre leur parent alors que les générations de puéricultrices précédentes l’étaient plus (trop de risque pour les perfusions, sondes etc...). Il faut donc toujours évaluer le rapport « bénéfice-risque » . Dans le cas où la situation le permet et où les parents sont d’accord, ce temps de peau à peau est un temps de rencontre primordial et un temps de bien-être pour l’enfant et le parent. Nous les accompagnons dans ce moment-là en mettant tout en œuvre pour qu’il soit fait dans des conditions propices au relâchement et à l’épanouissement (luminosité, intimité, installation confortable...). Puis étant scopé en continue, nous pouvons nous absenter et laisser les familles profiter de ce moment sans la présence médicale (le médical étant déjà souvent omniprésent en Néonat’). Des passages réguliers sont quand même prévus évidement. Il y a encore beaucoup de travail à faire autour des représentations des soignants sur cette pratique, mais le bénéfice réel pour la famille et l’enfant n’est plus à présenté et nous n’en doutons pas. Après c’est au bon vouloir de chacune et du ressenti de la professionnelle en fonction de l’état de l’enfant à un instant T. »
L'allaitement est-il possible lorsque son Bébé est en Néonatalogie ? Comment est-ce possible ?
Charlotte : "Bien sûr au contraire il est fortement recommandé ! D’une part il faut rappeler qu’on entend par allaitement maternel une alimentation au sein ou au biberon ou par sonde tant qu’il s’agit du lait maternel. Ce qui peut être déculpabilisant pour les mères. Ensuite nous accompagnons les familles dans ce projet d’allaitement mais nous les accompagnons aussi si le projet est de ne pas allaiter. Nous conseillons aux mères de tirer leur lait et que même quelques gouttes sur le rebord du biberon pourront être données ce qui est encourageant pour elles. Nous leur expliquons que par la sensorialité et leurs compétences, les bébés reconnaissent l’odeur du lait maternel donc on utilise les plus petites gouttes pour stimules l’enfant sur les temps de repas ou en leur donnant à la seringue.
Nous discutons avec les parents de la manière de donner le lait : tasse, seringue, biberon, afin de les rendre participatif."
"Si vous avez quelque chose à dire à tous ces parents qui ont leur enfant présent en service de Néonatalogie ?"
Charlène : " Qu'un enfant hospitalisé en Néonatalogie a autant besoin de ses parents qu'un bébé à terme voire plus, que leur présence est indispensable à la bonne évolution de leur enfant. Plus un bébé est entouré, plus il évoluera vite. Qu'ils ont entièrement leur place et leur rôle à jouer auprès de leur enfant qui n'est pas le nôtre. Ce sont eux les parents, ils sont au quotidien auprès de leur enfant et donc ils les connaissent bien mieux que nous."
Charlotte : " Que ça y est ils sont des Parents comme les autres même si c’est un parcours plus atypique et qu’ils doivent nous faire confiance, avoir confiance en eux même et bien plus encore en leur bébé. Que c’est tous ensemble que l’on arrivera à l’objectif qui est le retour au domicile en l’accompagnant et le soutenant dans cette étape de l’hospitalisation. Qu’il ne faut pas hésiter à nous solliciter, nous professionnelles ,parce qu’on est là non seulement pour soigner leurs enfants mais aussi pour les épauler eux et les aider à devenir parents. Ils ont leur mot à dire sur ce temps d’hospitalisation ; il faut échanger ensemble parce qu’on a le même objectif : le bien être et la santé de leur petit. Nous avons juste des connaissances supplémentaires et eux ont tout l’amour qu’il faut pour qu’on y arrive."
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